Ajouté au panier
Ajouté à ma wishlist

L'Actu

SATC, And Just Like That, Emily in Paris... quand les séries TV dictent nos garde-robes

Par Marine Poyer | le lundi 14 février 2022

Extrait de la saison 2 d'Emily in Paris 

C'est un fait, les séries TV ont bel et bien modifié la manière dont nous consommons la mode. Suite à l'avènement de « Sex and the City » au début des années 2000 et la démocratisation des réseaux sociaux et du e-commerce, il est de plus en plus commun de shopper les looks de nos héros favoris directement après la fin du générique. Mais comment s'est opérée cette petite révolution du style ? Récit. 

Un avant et un après SATC

« Qui êtes-vous Polly Maggoo ? », « Jolie Frimousse » mais aussi « Prêt-A-Porter », la mode est un sujet qui a toujours fasciné le monde du cinéma. Mais si Marlene Dietrich a un jour imposé par contrat d'avoir une garde-robe signée Dior, qu'Audrey Hepburn favorisait son ami Hubert de Givenchy et que Pierre Balmain a habillé Brigitte Bardot dans « La mariée était trop belle », en ce qui concerne la télévision, elle a eu un peu plus de mal à s'imposer. « Au début, nous appelions les showrooms et personne ne nous répondait jamais », s'est souvenu Patricia Field, la costumière de la série « Sex and the City » auprès de « The Independent » en 2011. « Et pour ce qui est des petits tours de passe-passe auxquels j'ai dû avoir recours... disons qu'il existait une boutique de fripes à New York qui nous a fourni beaucoup de pièces. Il y avait notamment ce manteau en fourrure que Carrie portait tout le temps. Nous l'avons payé 350 dollars, donc c'était un bon investissement. » Des temps difficiles qui ont perduré quelques mois malgré le succès des premiers épisodes de Sex and the City. Il faudra en effet attendre plusieurs saisons pour que la sauce prenne et que les marques commencent à contacter le studio afin de placer leurs produits dans la série. Parmi elles ? Fendi. « À l'époque, tout était inaccessible et hors de portée. Fendi a été l'une des premières grandes maisons de couture à nous prêter des choses, le sac Baguette en tête », rappelait en 2012 Sarah Jessica Parker, s'exprimant au sujet de ce qui est depuis, devenu un it-bag à l'attrait sans égal.

Dior, Vuitton, Chanel, Manolo Blahnik, Jimmy Choo ou encore Christian Louboutin : les pièces les plus cool se succèdent alors (généralement portées une seule fois) et le name-dropping devient une seconde nature pour l'héroïne. Lorsque la série s'arrête au bout de 6 saisons en 2004, certaines marques ont même acquis une fanbase inespérée, comme le rapporte notamment Tamara Mellon, co-fondatrice de Jimmy Choo dans son autobiographie, « In my Shoes ». « Le scénario présentait Carrie Bradshaw en train de courir pour attraper le ferry de Staten Island avant de trébucher et de crier « I Lost my Choo ! » (...) Cette simple mention a suffi à nous mettre en avant. Soudainement, des femmes qui n'avaient jamais entendu parler de nous, des femmes qui vivaient au fin fond de l'Amérique nous voyaient comme elles voyaient les autres grands noms du luxe cités dans la série. Des marques comme Prada et Gucci mais aussi il est vrai, Manolo Blahnik. »

sex and the city

Charlotte, Carrie, Miranda et Samantha de Sex and the city

Cependant, le concept du e-commerce n'en est alors qu'à ses balbutiements, tout comme les réseaux sociaux d'ailleurs (Twitter est à peine lancé), et les fans de style doivent encore compter sur les magazines spécialisés afin de décoder les looks hors de prix de leurs héroïnes favorites. Mais la graine est plantée : c'est officiel, la télévision peut réellement être un vecteur d'achat pour les marques. De « Cashmere Mafia » à « Lipstick Jungle », en passant par « Ugly Betty » et « Gossip Girl », les séries mettant en scène des fashionistas (ou wannabe reines du style) se disputent les parts d'audience. La télé-réalité n'est pas loin derrière : passé à la postérité, l'iconique « The Hills » de MTV suit les aventures d'une nymphette californienne en stage chez « Teen Vogue » tandis que son spin-off, « The City » met en scène l'une de ses amies partie tenter sa chance à New York dans les bureaux de DVF. Fin de la première manche : si l'achat n'est pas forcément immédiat, ni formellement identifié, la mode s'est taillé une place de choix sur les ondes.

Gossip Girl

XO XO, Gossip girl

Démocratisation du style et Google Search

Ne restait plus qu'à proposer de nouveaux canaux de communication. Au début des années 2010, en même temps que les réseaux sociaux, apparait une nouvelle communicante : l'influenceuse. Plus objective que la presse spécialisée (elle ne rend pas de compte aux annonceurs), plus réactive (elle n'est tenue à aucun rythme de parution) et perçue comme plus proche des consommateurs (elle se raconte à la première personne du singulier), elle décrypte les tendances, présente ses OOTD (comprendre : « Outfits Of The Day) ainsi que ses trouvailles de tous bords sur son blog, puis son compte Instagram. De là à mettre en avant les looks des personnages incarnés sur le petit écran, il n'y avait qu'un pas qui a allègrement été franchi. Car en parallèle, a débuté l'âge d'or des séries TV. Après avoir été reléguées au second plan pendant des décennies, les femmes y prennent le pouvoir vêtues de garde-robes à faire pâlir n'importe quelle styliste en herbe.

Chiara Ferragni

La célèbre influenceuse Chiara Ferragni en 2016

Chiara Ferragni

Chiara Ferragni, reine du streetstyle dans les années 2010

Du cabas Goyard d'Olivia Pope aux Tributes YSL de Gaby Solis sans oublier la robe Hervé Léger Max Azria de Serena van der Woodsen, les pièces les plus emblématiques sont identifiées sur la toile en un temps record. ?uvrant dans ce domaine depuis 2012, « Worn on TV » regroupe par exemple près de 400 shows et a décrypté plus de 73 000 looks. Et alors que le dressing de Carrie Bradshaw était majoritairement composé de pièces de luxe il y a plus de vingt ans, celui des héroïnes contemporaines est beaucoup plus abordable et de facto, plus facile à imiter. Sans compter qu'il ne s'agit plus seulement de tracker le dernier it-bag en vogue : le style est passé au premier plan dans de nombreux programmes et de la petite blouse portée trente secondes à l'écran au manteau issu d'une petite marque de prêt-à-porter pas encore sur la sellette, identifier les pièces portées tient parfois du véritable jeu de piste où les sources sont à recouper afin de retrouver la bonne griffe. Seulement, si ce petit jeu était il y a quelques années encore l'apanage d'acteurs extérieurs, les marques ainsi que les stylistes se sont eux aussi mis au diapason et n'hésitent plus à promouvoir leur travail directement sur les réseaux sociaux ou auprès des journalistes spécialisés auxquels ils communiquent leurs dernières apparitions.

En juillet dernier, Molly Rogers et Danny Santiago, en charge des costumes pour « And Just Like That » lançaient le compte Instagram @andjustlikethatcostumes. Au programme : des photos des coulisses, quelques crédits mais aussi et surtout une présence officielle sur les réseaux sociaux, idéale pour guider les titulaires de comptes de fans et les aider dans leur quête de l'identification parfaite. Mieux encore. Conscientes de l'attrait engendré par certaines figures télévisuelles fortes, certaines marques n'hésitent pas à se rapprocher d'elles pour des campagnes uniques. En 2019, Fendi s'offrait ainsi les services de Sarah Jessica Parker le temps d'une publicité pour son sac fétiche, l'occasion pour elle de se remettre dans la peau de Carrie Bradshaw et de nous rappeler une fois de plus que : « It's not a bag, it's a baguette ».

Confinement, accélération e-commerce et nouveau modèle

Toutefois, il y a à peine quelques années encore, cette pratique présentait un point faible non négligeable : le retard de certains en matière d'e-commerce. Lancé au début des années 2000, le modèle du shopping en ligne s'est aujourd'hui démocratisé afin d'englober une majorité de marques. Mais pré-pandémie, de nombreuses enseignes misaient encore tout sur le magasin physique avant de revoir leur copie suite aux fermetures forcées engendrées par l'épidémie de COVID-19. Un changement des habitudes qui a fait date (en 2020, un rapport de McKinsey révélait que les clients étaient majoritaires à favoriser le shopping en ligne Vs leur pendant physique pour leurs achats textiles, un comportement qui devrait survivre à la pandémie) et qui a donné naissance à de nouveaux formats de vente. Mais pas seulement. Annulés, reportés ou encore transformés pour coller à un format digital, les défilés de mode (où le spectacle est aussi bien sur le podium qu'à la sortie du show) ont laissé leur rôle inspirant à d'autres acteurs tels que la télévision.

D'après Médiamétrie, les Français privés de sortie durant le confinement se sont ainsi rabattus sur la télévision afin de se distraire et de rester informés. Rien que durant les cinq premières semaines du confinement, entre mars et avril 2020, le temps d'écoute individuel quotidien avait augmenté d'en moyenne 1h20. Et si le JT et les interventions officielles battaient des records d'audience, les séries TV et autres programmes de loisirs n'étaient pas en reste : durant la première partie de cette même année, Netflix a en effet rapporté avoir vu son nombre d'abonnés bondir de... 25 millions. Pas mal de « toudoums » mais aussi une belle base pour se targuer d'influencer la mode comme jamais auparavant. Des baskets portées par Omar Sy dans « Lupin » aux tenues Régence des héroïnes de « La Chronique des Bridgerton » (qui ont d'ailleurs donné naissance à la tendance Regencycore, grande s?ur de la tendance #Cottagecore) sans oublier la nostalgie générée par le look 80's de la princesse Diana avec « The Crown », le confinement aura été, pour certains, le moment de se refaire une garde-robe. En parfaite symbiose, le calendrier des séries a également suivi de près cet engouement pour la fashion : fin 2020, les premières aventures d'Emily Cooper dans la Ville-Lumière et ses débuts au sein de l'agence de communication Savoir ont réuni 58 millions de spectateurs à travers le monde le premier mois de leur diffusion. Un programme qui signait notamment le retour de Patricia Field et de son style flamboyant sur le petit écran, plus de quinze ans après le final de « Sex and the City ».

Sarah Jessica Parker dans And Just Like That

Sarah Jessica Parker dans And Just Like That

En 2021, la chaîne HBO Max répliquait à son tour, dévoilant le sequel de sa série phare avec « And Just Like That ». Au menu : le casting orignal (minus Kim Cattrall) et encore et toujours plus de mode. Mais preuve que les temps ont changé, si Carrie Bradshaw porte désormais des pièces vintage et ne lâche plus son tote bag en coton (bio), ses fans n'ont pas attendu pour décrypter tous ses looks. Avant même le lancement du programme, au moment où les premières photos du tournage sont apparues sur la toile, une floppée de comptes Instagram dévoilant où acheter les pièces les plus bankable a vu le jour. Les pépites ? Un sac Hourglass tiré du Hacker Project qui a réuni Gucci et Balenciaga, la ceinture cloutée Streets Ahead déjà arboré par la journaliste dans le premier film de la franchise, tout comme ses escarpins Hangisi de Manolo Blahnik. Mais la plus grande surprise était sûrement le sac Fendi Baguette pailleté, initialement dérobé lors de l'épisode 17 de la troisième saison qui faisait lui aussi un retour en fanfare à grand renfort de publicité orchestrée par la marque italienne elle-même. Nouvelle preuve, s'il en fallait une, que la mode est un éternel recommencement. Ou presque. Car pour sa nouvelle saison, « Emily in Paris » a innové en s'offrant des sponsors de choix, mis en avant de manière originale. Au lieu de faire porter les marques par l'héroïne (dont le look a fait couler beaucoup d'encre), les auteurs ont parié sur une mise en abyme marketing et ont fait de leurs partenaires les plus cool les clients les plus précieux de l'agence Savoir.

chopard dans Emily in Paris

Placement produit Chopard dans la série Emily in Paris

L'idée ? Un placement produit nouvelle génération, à la fois inattendu et créatif, loin des activations influenceurs et du marketing de base. En témoigne par exemple la valise Rimowa customisée par Emily, ses collègues et le designer (fictif) Pierre Cadault. Un accessoire qui a été au c?ur de l'intrigue et a fait pas mal d'émules... finalement laissées sur leur faim, la marque ayant choisi de ne pas commercialiser ce modèle. Autres exemples ? Les bijoux Chopard, à l'honneur d'une soirée spéciale donnée sur une péniche ainsi qu'une édition collector du scooter Vespa habillé de toile Oblique par la maison Dior, empruntée par Emily durant un quart d'heure de folie. Ou comment inscrire le luxe dans un quotidien qui parle au plus grand nombre. Souvent critiquée pour son incohérence entre le salaire supposé de l'héroïne et la valeur de son dressing, la série fait ici d'Emily une spectatrice, elle aussi attirée par des biens luxes et qu'elle a la chance d'approcher par le biais de son job. Malin.

Bienvenue sur Printemps.com, votre pays de connexion est : France et votre langue est : Français.