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Soko : « La musique est une performance »

Arts | le vendredi 26 juin 2020
Soko chapeau léopard dans nature
© Jasper Rischenjpg
Exilée à Los Angeles, la Française n'avait plus sorti d'album depuis 2015, privilégiant d'autres voies créatives - notamment le cinéma, ou encore la mode. Entre-temps, Soko est également devenue mère, son rôle préféré, celui auquel elle a consacré l'essentiel de son temps ces dernières années... avant de revenir en parallèle à son amour pour la composition musicale, avec Feel Feelings : un troisième disque invitant au voyage émotionnel, dont la sortie est prévue le 10 juillet prochain.

Printemps.com : Lorsque tu as dévoilé ton deuxième album, My Dreams Dictate My Reality, tu as fait la couverture de nombreux magazines de mode. Quelle importance accordes-tu aux vêtements ?

Soko : À mes yeux, la façon dont on s'habille est une forme d'expression : c'est une extension de mon personnage d'artiste, quelque chose qui reflète mes émotions, mon état d'esprit et la façon dont j'ai envie de me présenter au public. C'est aussi pour ça que je m'éclate en tant qu'actrice : enfiler des costumes, c'est toujours amusant. Et puis j'ai plein de tocs. Par exemple, j'ai tendance à mettre du rouge quand j'ai un événement important. Quant au jaune, c'est une couleur que je porte quand je suis en forme, et que je veux être un soleil. J'aime traduire mes intentions à travers mes looks.

En 2018, tu as posé pour une campagne Gucci : comment est née ta collaboration avec la marque ?

En 2016, deux des films dans lesquels je jouais ont été sélectionnés à Cannes : Voir du pays et La danseuse. C'était la première saison d'Alessandro Michele [le directeur artistique de Gucci, ndlr], et avec ses équipes ils ont décidé de m'habiller pour l'occasion. Depuis, on a sympathisé, ils m'ont invité à leur show, m'ont demandé de réaliser la playlist de leurs boutiques et m'ont fait participer à leur campagne, aux côtés de Faye Dunaway. C'est une vraie diva, mais elle était aux petits soins avec moi. J'étais enceinte de quatre mois au moment du shooting, et j'avais des nausées matinales, mais j'en garde un super souvenir.

Qu'est-ce qui te séduit dans l'esthétique maximaliste d'Alessandro Michele ?

C'est bien simple : j'aime tout chez lui ! Ses patterns, ses couleurs, ou même le design des boutiques. On croirait entrer dans une nouvelle dimension à chaque fois. Et puis j'ai l'impression que Gucci a réussi à façonner un monde idéal, où l'on célèbre les différences, où l'on favorise l'égalité entre les genres, où l'on ne juge pas les corps....

Mettre au point les playlists de leurs différentes boutiques a dû être un exercice intéressant. A-t-il en partie inspiré la couleur de ton troisième album ?

L'idée des playlists, c'était de sélectionner des musiques très gaies. Or j'écoute essentiellement des morceaux tristes... Heureusement, je suis une nerd et je n'ai finalement eu qu'à fouiller dans mon énorme discothèque pour trouver ce qui pourrait rendre les gens heureux. Quant à mon album, il était déjà réalisé à ce moment-là... Mais il est vrai que j'avais envie d'une couleur plus ensoleillée, d'un univers plus feutré et sensuel, même si les paroles restent très personnelles, vulnérables et sensibles.

À ce propos, ton nouvel album se nomme Feel Feelings. Est-ce facile pour toi de traduire tes émotions en musique ?

J'adore écrire, me demander où je suis et comprendre mon état d'esprit à l'instant T. J'ai toujours fait ça de façon naturelle, donc le véritable défi avec ce nouvel album, ça a plutôt été de comprendre tout cela sans me projeter dans le passé, ou dans de futurs fantasmes. Je voulais qu'il soit à fleur de peau.

« J'avais envie d'une couleur plus ensoleillée, d'un univers plus feutré et sensuel, même si les paroles restent très personnelles, vulnérables et sensibles »

Le premier single se nomme « Being Sad Is Not A Crime ». Le sentiment de tristesse te semble rejeté par nos sociétés modernes ?

Il y a à l'évidence beaucoup de sentiments de honte et de culpabilité autour de ces émotions et de la façon dont on les masque en public. Par exemple, on n'ose jamais répondre sincèrement à la question « Comment ça va ? ». On se contente généralement d'un vulgaire « oui », alors qu'on a le droit d'être vulnérable. Personnellement, je me rends compte que mes meilleures discussions sont nées après que la personne avec qui je parlais m'ait donné une vraie réponse. Mais on vit dans une société Instagram, où l'on a pris l'habitude de mettre des filtres sur tout, y compris nos émotions et notre vie... On n'est jamais complétement honnête, alors que si on acceptait plus facilement nos émotions cela aiderait à résoudre beaucoup de problèmes.

© Miriam Marlene

Certains de tes morceaux sont également apparus dans des séries : à l'image de « We Might Be Dead by Tomorrow » dans The End Of The Fucking World. Ce type de collaborations soutiennent-elles les artistes dans leur quête d'indépendance selon toi ?

Je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres, mais moi, j'ai été payée des clopinettes.... L'aspect financier est donc moins important que de voir sa musique apparaître dans une série Netflix, et de la confronter à d'autres univers, d'autres images. C'est davantage prestigieux que rentable, finalement.

Tu le disais : tu as également tourné dans quelques films ces dernières années. Être actrice te permet-il d'extérioriser certaines émotions difficiles à mettre en musique ?

Quand je fais des films, je dois plutôt penser aux émotions d'un personnage et mettre ma vie personnelle sur pause. Je dois devenir quelqu'un d'autre. Ça crée une forme d'empathie, une compassion envers l'autre, qui me permet malgré tout d'apprendre à mieux me connaître.

Tu incarnes une marionnette dans le clip de « Being Sad Is Not A Crime », une magicienne dans celui de « Are You A Magician? », et tu as joué le rôle d'une danseuse dans le premier film de Stéphanie Di Giusto. Qu'est-ce qui te plaît dans le fait de prendre les traits de quelqu'un d'autre ?

Ça m'amuse. Esthétiquement, cela me permet d'explorer sans cesse de nouvelles pistes. Il ne faut pas oublier non plus que la musique est une performance : là, en interview, je ne suis pas la même personne que sur scène ou dans un clip. Il me faut donc trouver des idées pour me mettre en scène. Et puis c'est toujours amusant de pouvoir se déguiser, ça renvoie immédiatement à l'enfance.

« Are You A Magician? » a été mis en images par la réalisatrice Gia Coppola. Le fait d'être aujourd'hui basée à Los Angeles t'aide à nouer ce type de contact ?

Disons que ça m'a permis de me construire un cercle d'amis différent de celui que j'avais à Paris. Mais ça n'enlève rien au talent de mes proches en France... Quant à Gia, c'est quelqu'un que j'adore dans la vie, on était d'ailleurs amies bien avant de faire le clip. Là, c'est juste que l'on jouait dans la chambre de mon fils et qu'on a eu l'idée de réaliser un projet ensemble, quelque chose qui puisse s'inscrire dans l'héritage de Georges Méliès.

Selon toi, qu'est-ce qui fait que Los Angeles continue de séduire autant d'artistes venu·e·s du monde entier ?

En Amérique, beaucoup de gens disent que la Californie est un petit pays en soi : c'est un État super progressiste, très porté sur l'inclusion, la diversité, où l'on note la présence d'un grand nombre d'activistes prêts à descendre dans la rue pour faire avancer les choses. Je suis végan, et cela se vérifie également sur cet aspect : dans les restaurants ou ailleurs, on sent qu'il y a beaucoup moins de jugements par rapport à ce régime alimentaire. Et puis, il faut le dire, il fait tout le temps beau à Los Angeles. Je me lève à 6h du matin, le ciel est bleu et il fait chaud : ça aide !

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