Cut-out : le coup de ciseau tendance qui ne faiblit pas

Tout droit revenue des nineties et du début des noughties, la découpe s'est rapidement imposée comme la tendance à suivre d'urgence et par tous les moyens nécessaires : glamour chez Michael Kors, sage chez Emilia Wickstead, romantique chez Cecilie Bahnsen ou encore sexy chez Jacquemus, c'est le détail de prédilection de la saison, pensé pour être arboré par temps clair ou nuageux. Simple petite découpe au niveau de la poitrine ou de l'épaule,     structure asymétrique qui laisse entrevoir un bout de ventre mais aussi modèles plus pointus qui font la part belle à certaines parties du corps généralement cachées : un bout de hanche, de cuisse ou le bas du dos sont désormais mis en lumière de la même manière que les bras ou les chevilles. La responsable ces dernières années ? La maison Versace qui a réveillé la tendance avec sa collection Printemps-Été 2020 et une robe découpée au niveau du nombril qui s'est rapidement retrouvée en couverture de tous les magazines. Cependant, il faudra attendre encore deux ans et la collection Printemps-Été 2022 pour que la sauce prenne de manière globale et que l'affaire se démocratise, reprise par les marques de fast-fashion et appropriée par la rue. Comme le rapportait le site Tagwalk, l'année 2021 a vu la tendance cut-out s'étendre à vitesse grand V. Courant ayant enregistré la plus forte progression (+109,1% de looks ajourés présentés cette année-là en comparaison à 2020), il était présent sur 27% des shows de l'année. Et preuve qu'il s'agit d'un mouvement d'avenir, il est le point de départ de nombreuses nouvelles marques et notamment la spécialité de Nensi Dojaka, vainqueur du Prix LVMH 2021.  

Cependant, si la tendance cut-out semble exploser depuis ces dernières saisons, elle n'est cependant pas née d'hier.

Attention spoiler : comme bon nombre des courants qui reviennent aujourd'hui, elle remonte en effet à des décennies. Dès l'âge d'or d'Hollywood, l'actrice Bette Davis s'est en effet illustrée en portant quelques robes ajourées au niveau du buste ou de la poitrine. Les années 1960 ont elles aussi connu leur lot de découpes, avec les reines de la décennie adeptes des tenues ouvertes à l'image de Diana Rigg, qui incarnait la toujours sensuelle Emma Peel dans la série « Chapeau melon et bottes de cuir » ou encore Jane Fonda. Beaucoup moins chic mais tout aussi iconique, la robe que portait Julia Roberts dans « Pretty Woman » jouait elle aussi sur un certain effeuillage tandis que, plus près de nous, de Taylor Swift à Jennifer Lopez, les stars ont très souvent eu recours à cet argument sur le tapis rouge. La différence avec aujourd'hui ? La découpe s'est taillé une place de choix dans le quotidien, se débarrassant de l'aura subtilement scandaleuse et over-sexy qui lui collait à la couture depuis pas mal d'années. La clé ? Le mélange des genres. Un top ajouré porté avec un jean ou calmé par un blazer structuré, une robe accessoirisée de baskets plutôt que de talons vertigineux ou encore une veste de smoking qui laisse entrevoir un bout de dos, tout est bon pour pimenter un peu le 9 to 5.  

Mais comme toute bonne tendance qui se respecte, la découpe divise autant qu'elle fascine. En cause ? Le manque d'inclusivité induit par une telle esthétique. À l'heure où la diversification des corps s'impose comme une problématique majeure et où la dictature de la taille 0 semblait (enfin) toucher à sa fin notamment grâce à des créateurs comme Ester Manas dont la mode évolutive et riches en découpes est depuis ses débuts présentée sur des mannequins de toutes les tailles, un léger recul a été observé sur de nombreux podiums de la Fashion Week. Pour dévoiler leurs collections les plus découvertes, certains designers ont privilégié les modèles les plus minces, comme si le corps légèrement dénudé ne pouvait être visible que lorsqu'il répond à certaines normes esthétiques bien définies. Un certain puritanisme semble également émerger en même temps que cette tendance. Si le crop top des étudiantes en avait choqué certains il y a quelques années, les robes et pantalons à découpes reçoivent aujourd'hui le même accueil...

Cheffe de file fictive du courant qui prône l'acceptation de soi, la décomplexée Maddy Perez, personnage de la série « Euphoria » incarné par Alexa Demie. De son pantalon lacéré porté durant la saison 1, devenu depuis un must autant qu'un déguisement d'Halloween hautement populaire à sa robe ajourée arborée durant le premier épisode de la saison 2, la

starlette d'East Highland High a, à elle seule, boosté la tendance et largement alimenté le débat. Une polémique qui n'est pas près de s'éteindre à voir les collections de la saison Automne-Hiver 2022 : une fois de plus majoritaire sur les podiums, le coup de ciseau a encore de beaux jours devant lui.