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Mode, luxe et NFT, chroniques d'une garde-robe 3.0

L'Actu | par Clémence Lange | le vendredi 4 mars 2022
smartphone image nft
Le monde de la mode est entré dans un nouveau millénaire. Celui où la cryptomonnaie, les jeux vidéos, les NFT's et le prêt-à-porter ne font plus qu'un. Mais avant de remplir les vestiaires virtuels de vos avatars du metaverse de sneakers pixélisés, une mise au point s'impose.

Les NFT qu'est-ce c'est ?

Gucci, Louis Vuitton, Balenciaga, Adidas... Beaucoup de marques s'emparent des Non Fungible Tokens (jetons non fongibles, ndlr) ou NFT's pour proposer des expériences inédites et innovantes à leurs clients. Bien souvent associés au monde de la crypto monnaie, les NFT s'en distinguent clairement par leur caractère "non fongible" c'est-à-dire non échangeable. Contrairement à une monnaie digitale, interchangeable car équivalente, un NFT désigne quant à lui un objet virtuel à l'identité unique, infalsifiable et indestructible, encryptée sur la blockchain. Il peut s'accompagner ou non d'un jumeau réel, lui-même unique et non fongible. Pour la première fois utilisé en 2017 par l'informaticien américain Dieter Shirley, le terme NFT a d'abord séduit le monde de l'art contemporain. Vous avez peut-être déjà remarqué les dernières photos de couvertures Twitter ou Instagram de certaines célébrités comme Justin Bieber ou Omar Sy ? Exit les pochettes d'album ou les affiches de films, elles affichent désormais des "Bored Ape" ou "Crypto Punk" récemment acquis par les stars. Plus qu'une énième tendance virtuelle, les NFT sont aujourd'hui devenus un moyen d'afficher un certain statut social ou de revendiquer l'appartenance à une communauté. Une manière 3.0 d'accrocher une toile de maître dans son salon ou... de porter un t-shirt Off-White ou un sac Gucci.

Comment la mode se met à l'heure des NFT

C'est d'ailleurs la maison italienne qui a d'abord démocratisé la fusion mode et NFT. Il y a tout juste un an, alors que la mode digitale atteignait son paroxysme, accéléré par une pandémie mondiale, Gucci décidait de prendre part à la première vente aux enchères virtuelle organisée par Christie's, "Proof of Sovereignty".

La griffe imaginait pour l'occasion son premier NFT, une œuvre d'art unique, prenant la forme d'un film de mode, réalisé par le directeur artistique Alessandro Michele et la photographe Floria Sigismondi, inspiré par la collection Aria révélée pour son 100ème anniversaire. 4 petites minutes vendues pour la modique somme de 25 millions de dollars, immédiatement reversés à l'Unicef pour soutenir Covax, une initiative visant à garantir un accès équitable aux vaccins contre la Covid-19.

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Adidas X Kode with Klossy

Car non, le but de ces initiatives n'est pas purement lucratif mais souvent caritatif. Adidas s'est par exemple associé à la fondation Kode with Klossy, créée par la top model Karlie Kloss pour lancer un concours de design numérique sur la plateforme de mode digitale The Fabricant sur laquelle les gagnants ont pu mettre en ligne leur NFT. La marque brésilienne Havaianas s'est elle aussi essayée à l'art digital en mettant en ventes 5 œuvres réalisées par Adhemas Batista au profit de Favela Galeria, un musée en plein air situé dans un zone défavorisé de Sao Paulo.

Collectionnez-les tous

D'autres initiatives choisissent plutôt de miser sur le côté collectionneur des NFT. Habilement addictif, collectionner a toujours passionné peu importe qu'il s'agisse de Pokemons, de baskets, de timbres ou désormais de NFT. Et certaines marques l'ont bien compris. En août dernier, à l'occasion du 200ème anniversaire de son fondateur, Louis Vuitton a mis en ligne "Louis : The Game" un jeu vidéo dans lequel Vivienne, la mascotte, voyage dans 6 univers au fil desquels elle et donc le joueur qui la contrôle a la surprise de découvrir 30 NFT dont 10 imaginés par Beeple, l'un des artistes les plus cotés du moment. Ici pas question de pouvoir revendre les NFT trouvés, ils ne pouvaient qu'être collectionnés.

Autre exemple, Rimowa a choisi le studio de design graphique Nuova pour imaginer "Blueprints for the Metaverse", une série de quatres NFT composée d'une table, une enceinte, une desserte et une lampe explorant les mondes du voyage, de l'aérien et du design. Chacun de ces objets virtuels, mis en vente sur le site Rarible s'accompagne d'un jumeau physique, réalisée à la main dans un seul exemplaire. Une capsule d'objet, tellement harmonieuse et inédite qu'elle donne envie de collectionner tous les modèles dans son salon.

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Blueprints for the Metaverse

Autre objet de collection, notamment chez les jeunes, les baskets se transforment elles aussi en NFT. En 2019 RTFKT crée la surprise en proposant pour la première fois une marque de sneakers entièrement virtuelles. D'abord scrutée avec un brin d'incompréhension, elle explose les compteurs 3 ans plus tard en s'associant au (très) jeune crypto artiste Fewocious. À 18 ans seulement, il dessine 3 paires (déclinées en 600 NFT) mises aux enchères et essayables via Snapchat. Il n'a fallu que 7 minutes, pour que tout disparaisse, engrangeant un total de 3,1 millions de dollars. Un coup tellement énorme que Nike a depuis racheté cette start-up, stratégie parfaite pour s'implanter subtilement sur le marché en plein boom des sneakers 3.0.

Mode et NFT une véritable histoire d'amour

Mais alors pourquoi le monde et la mode semblent-ils porter autant d'intérêt aux NFT ? Dans son ouvrage "NFT Revolution" l'auteur John Karp théorise la tendance par la numérisation de la société. Lors d'une interview accordée au site de Forbes, ils expliquent que "nos interactions sociales, qu'elles soient professionnelles ou personnelles se font la plupart du temps par email, conf call ou réseau social. Notre temps social devenant numérique, il est logique que nos signes extérieurs de richesse ou d'appartenance à une communauté se digitalisent eux aussi". La mode et plus particulièrement le luxe étant l'un des signes de richesse les plus populaires, il n'était qu'une question de temps avant qu'elle se mette à la page.

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Collection digitale Dolce&Gabbana

L'auteur prédit aussi que les metaverses comme Sandbox, Decentraland ou Crypto Voxel accueilleront les prochains défilés. La première Fashion Week dans le Metaverse devrait ainsi avoir lieu du 24 au 27 mars à Decentraland en partenariat avec UNXD, entreprise spécialisée dans les NFT qui a notamment collaboré en septembre dernier avec Dolce&Gabbana autour d'une collection 100% digitale.

Fondé il y a près de 20 ans, le collectif Imitation of Christ présentait quant à lui il y a quelques semaines une collection de vêtements au sein d'un métaverse incandescent, symbole d'un réchauffement climatique alarmant.

Les NFT et leur impact écologique

Triste ironie d'une nouvelle tendance dont certains dénoncent la pollution numérique inquiétante. Certes, les activités de minage, stockage ou entretien des NFT, crypto monnaie ou métaverses requièrent une quantité astronomique d'électricité libérés par des serveurs monstrueux, eux-mêmes refroidis par des clims mais à cet argument vient s'opposer plusieurs avantages, soutenus par une garantie d'authenticité, de traçabilité et de transparence. En effet chaque vêtement NFT, associé à son jumeau "physique", peut encrypter la composition, le lieu de fabrication, toutes les parties prenantes de la chaîne de production et même pourquoi pas ses anciens propriétaires. Dans une industrie opaque telle que la mode, les NFT permettent aussi de valoriser la durabilité des objets grâce à leur inaltérabilité. Autre avantage, à la manière d'un système de précommande, les NFT sont un moyen de tester le marché dans une version digitale avant même de lancer la production du produit réel, évitant ainsi les stocks et les invendus.

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Vêtements et accessoires digitalisés sur le site DressX

La garde-robe 3.0

Ce qui séduit la mode c'est comment les NFT ouvrent à l'infini le champ des possibles. Comme le disait Pierre Cardin lors d'un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître : "le luxe c'est la rareté, la créativité et l'élégance". Voilà ce que l'industrie symbolise aujourd'hui et ce que les marques se doivent de constamment chercher : le renouveau.

Ensemble elles touchent du doigt le graal du digital : la garde-robe 3.0 dans laquelle pourrait être rangé tous nos NFT. Il est vrai que pour le moment, la mode version digitale ne peut simplement qu'être admirée comme une œuvre d'art, perdant au passage son aspect utilitaire. À part porté par votre avatar dans l'un des métaverses comme Decentraland ou The Sandbox votre NFT est plutôt à dormir sagement sur la carte mère de votre ordinateur. Mais plusieurs marketplace digitales comme DressX travaillent déjà sur une manière phygitale d'utiliser les NFT. Fondée par Daria Shapovalova et Natalia Modenova, cette plateforme offre déjà la possibilité technique aux marques de créer leur propre collection numérique ou de digitaliser des collections existantes. Elle propose également grâce à une technique de filtres de vous afficher sur les réseaux sociaux, habillé de votre plus belle pièce 3.0.

Une ambition sans borne et dont on vous parlera très bientôt, qui floute un peu plus les frontières entre réel et virtuel et qui n'a pas fini de vous surprendre...

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