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Neil Barrett « Plus la diversité est grande, plus il y a de beauté »

Style | le mardi 17 novembre 2020
Neil Barrett en noir et blanc
Crédit photo : Neil Barrett
Des créations hybrides, mélanges de tailoring et de sportswear, un sens indéniable du confort, un design graphique, des lignes épurées inspirées du Bauhaus... Depuis qu'il s'est lancé en solo, en 1999 et en toute indépendance, le créateur anglais Neil Barrett, installé en Italie, impose son style et sa vision de la mode : créative, puriste, connectée à la marche du monde. Il revient pour Printemps.com sur l'évolution de son design, sur les failles du système de la mode et sur son engagement en faveur de la diversité.

Printemps.com : Le contexte sanitaire actuel a-t-il changé votre façon de percevoir le système de la mode ?

Neil Barrett : Oui, absolument. J'ai vraiment le sentiment que le rythme de la mode, au fil des ans, est devenu de plus en plus rapide. C'est comme un hippodrome où les chevaux galopent, mais ne s'arrêtent jamais, il n'y a pas de fin ! Vous présentez une collection et vous êtes déjà en retard pour concevoir la suivante. Le système doit ralentir : il est devenu incontrôlable, non seulement pour moi, mais aussi pour tous les acteurs du secteur. En particulier pour les designers indépendants qui souhaitent conserver leur authenticité, leur créativité et leur point de vue. Il est temps de ralentir afin de préserver la beauté et l'artisanat de notre industrie.

Maintenir l'indépendance de votre marque, est-ce toujours non négociable pour vous ?

Après avoir travaillé pour deux des plus belles entreprises du monde pendant dix ans - Gucci puis Prada -, j'ai voulu me prouver que je pouvais créer ma propre marque. J'avais déjà lancé Prada Men puis Prada Sport à partir de zéro. Je voulais voir si je pouvais créer Neil Barrett, sans relations publiques ni publicité. Je voulais créer des vêtements qui puissent se vendre pour eux-mêmes et pas pour l'étiquette cousue à l'intérieur. On m'a souvent proposé de vendre ma marque ou de créer pour un grand groupe, tout en continuant ma marque à côté, j'ai toujours refusé. J'ai une vision assez puriste des choses et j'aime relever les défis.

Backstage du défilé Neil Barrett automne-hiver 2020. © Neil Barrett

Vous êtes décrit comme quelqu'un de très pragmatique. C'est important quand on travaille dans ce milieu qui peut faire perdre la tête ?

Je fais aussi beaucoup confiance à mon instinct, tout ce que je fais découle de ma passion. Je n'ai pas un caractère de diva. J'aime tout simplement mon travail. Je pense aussi que cela dépend de comment on a été éduqué, de comment notre esprit a été formé. J'ai eu la chance d'avoir des parents qui m'ont permis de garder les pieds sur terre.

Comment avez-vous perçu l'évolution de la mode masculine ces dernières années ?

Avec l'essor du numérique, elle s'est considérablement métamorphosée au cours de ces 10 dernières années, devenant de plus en plus rapide. Internet a tout changé. Le style que j'ai créé au fil des ans est un mélange de tailoring et de sportswear - avec beaucoup d'influences militaires. J'ai créé Neil Barrett en fabriquant des pièces hybrides, en mélangeant ces influences. À l'époque, j'étais le seul à le faire, et puis la marque Sacai, elle aussi, a commencé à faire des mashups. Ensuite, on s'est mis à parler d'« athleisure » ; c'est ce que je faisais depuis 20 ans, sans mettre de mot dessus. J'ai toujours mélangé les techniques de conception issues du sport au savoir-faire du tailoring. Tout le monde s'est donc mis à faire de l'« athleisure » et j'ai été beaucoup copié, de la fast fashion jusqu'aux marques de luxe. Mais je prends cela comme un compliment, donc tout va bien !

« Je conçois des collections pour toutes les formes, toutes les tailles, tous les âges. »

Est-ce qu'Instagram a changé votre façon de créer ?

Oui, tout à fait. J'ai toujours dessiné - de mes années chez Prada à mes 10 ans chez Neil Barrett - des vêtements unis : c'est l'uniforme que j'ai créé, que je porte et qui me fait me sentir cool et confiant. Je porte toujours les mêmes vêtements : du noir, du bleu marine, du blanc ou du camel - ou un pantalon kaki, peut-être du gris. C'est ce que je porte 90 % du temps, sauf si je suis sur la plage et que je porte une serviette ! J'ai donc utilisé ces couleurs tout au long de mes 30 ans de carrière, en explorant diverses combinaisons, différents tissus et fils. Avant les réseaux sociaux, je vendais très bien ces pièces unies. Chaque vêtement monochrome que je crée est simple en apparence, mais quand vous vous en approchez, vous vous rendez compte que le tissu est totalement différent de ce que vous aviez imaginé. Vous essayez la pièce et vous constatez tous les petits détails pratiques que j'ai prévus, c'est quelque chose que vous ne pouvez pas comprendre si vous ne portez pas la pièce ou si vous ne la touchez pas. Et puis, ces modèles ont commencé à beaucoup moins se vendre... On a réalisé que sur un téléphone, personne ne pouvait se rendre compte de tous ces détails ! J'ai donc décidé de concevoir des pièces graphiques, mais sans coller mon nom dessus. J'ai commencé à m'inspirer de la simplicité de l'art et de l'architecture du Bauhaus, en imaginant des motifs graphiques découlant de la simple découpe ou du montage de mes pièces. Sans embellissement, broderie ou autre. J'ai dû imaginer quelque chose qui fonctionnerait visuellement sur un petit écran de smartphone, sans trahir mon ADN. C'est aussi à ce moment-là que j'ai créé mon logo, avec le symbole de la foudre.

Backstage du défilé Neil Barrett automne-hiver 2020. © Neil Barrett.

L'inclusivité est au cœur du discours de la mode. Que vous inspire cette notion ?

La notion de diversité a été mise en lumière ces dernières années à l'échelle mondiale, mais elle n'est pas nouvelle pour moi. J'ai grandi en Grande-Bretagne, dans un pays multiculturel. À l'école, j'ai fréquenté des camarades de toutes origines, venant du Nigéria, d'Éthiopie, du Pakistan ou encore du Sri Lanka. La diversité est quelque chose de normal pour moi : depuis que je suis enfant, je n'ai jamais pensé que l'autre était différent. Nous étions tous pareils et nous avons tous eu les mêmes opportunités - en Grande-Bretagne, le système scolaire est égalitaire, basé sur le talent et la réussite. Il n'était pas question de savoir si vous étiez Noir ou Blanc, nous étions tous considérés comme semblables.
Il y a environ un an et demi, nous avons regardé en détail les mannequins qui apparaissaient dans nos défilés et dans les campagnes que nous faisions, nous avons compté 50 % de garçons noirs, 30 % d'asiatiques et 20 % de blancs. Je pense que plus la diversité est grande, plus il y a de beauté. Je ne me reconnais pas dans la beauté classique, je cherche toujours des modèles avec du caractère, je veux que leur personnalité transparaisse. Je conçois des collections pour toutes les formes, toutes les tailles, tous les âges.

Le développement durable est désormais la préoccupation majeure des marques de mode. Comment vous situez-vous à ce sujet ?

C'est un sujet d'actualité depuis des années, mais le Covid-19 a subitement braqué le feu des projecteurs sur cette question. J'ai toujours produit, depuis le premier jour, 90 % (aujourd'hui 80 %) de mes collections en Italie, réduisant ainsi les émissions carbone liées au transport de marchandises. Par ailleurs, en tant que marque indépendante, mes productions sont limitées à côté de celles des enseignes de fast fashion. Récemment, j'ai regardé un documentaire sur Netflix intitulé A Life on Our Planet, de David Attenborough. Il est incroyable, c'est un défenseur de la nature et un amoureux des animaux de 94 ans qui réalise des programmes télévisés depuis les années 60 sur la BBC. Ce que l'homme a fait à la Terre est terrible, mais il y a une chance de sauver le monde, si plus de gens se soucient de ce qui les entoure. C'est un film assez doux, il ne verse pas dans le choquant, mais il parvient à sensibiliser. Pour la première fois de ma vie, j'ai envoyé un lien à tous mes contacts en leur demandant de regarder ce film. Il est triste, mais il est beau et cela donne de l'espoir à la fin. C'est cet espoir qu'il faut écouter.

Backstage du défilé Neil Barrett automne-hiver 2020. © Neil Barrett.

Après toutes ces années dans la mode, qu'est-ce qui maintient votre passion intacte ?

J'adore le processus de création d'un vêtement. J'adore me creuser la tête en regardant ma garde-robe, en pensant à ce que je n'ai pas et à ce que je veux. J'adore aussi créer les tissus qui rendront mes vêtements encore plus pratiques et plus beaux. Et puis j'aime le montage, les raccords, tout essayer, ajuster et peaufiner jusqu'à rendre les choses absolument parfaites. Quand je vois quelqu'un dans la rue avec l'un de mes modèles, je souris à l'intérieur de moi.

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