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INTERVIEW AVEC YSEULT, LA NOUVELLE ÉTOILE DE LA CHANSON FRANÇAISE

Arts | le lundi 20 janvier 2020

Directeur de création et stylisme, Yann Weber.Photographe, Raffaele Cariou.Coiffeur, Olivier Schawalder.Maquilleuse, Caroline Fenouil.

Portrait de la chanteuse Yseult
Chemise, Kimhekim. Boucles d'oreilles, Area.
Le ton est affirmé, le corps rond parfaitement assumé et la coiffure afro fièrement arborée : il suffit de passer quelques secondes aux côtés d'Yseult pour comprendre que la chanteuse Française est une forte tête, que rien ni personne ne pourra arrêter. Personnellement comme musicalement. À l'image d'Angèle, de Lous & The Yakuza ou de Chilla, dont elle est proche, Yseult incarne une nouvelle génération d'artistes féminines novatrice et rafraîchissante. Rencontre avec une figure montante qui n'hésite pas à « casser les codes », et dont le dernier EP Noir, à mi-chemin entre trap et chanson, se révèle d'une séduisante singularité.

Il paraît que vous vous êtes beaucoup remise en question après votre passage à la Nouvelle Star en 2014. Y a-t-il eu des moments où vous avez eu peur que tout s'arrête ?

Non, pas du tout. Il faut accepter de prendre le temps de se trouver, de chercher la voie qui nous correspond le plus. La musique, que ce soit au sein de l'industrie ou en dehors, je continuerai toujours à en faire. Je sais que je rassemble une communauté depuis cinq ans : elle me suit et m'est fidèle.

Avez-vous l'impression d'avoir évolué ces cinq dernières années ?

J'assume peut-être davantage mon amour de l'art, des belles choses et des clips contemplatifs, qui développent une histoire et proposent une vraie recherche formelle - à l'instar de Corps, pour lequel une tenue a été créée à partir d'un moule de mon propre corps. J'ai aussi accepté le fait qu'être indépendante n'est pas une démarche élitiste. C'est plutôt un moyen permettant d'être une artiste à 100%, au sens où je produis mon projet, je me manage et où je suis beaucoup plus consciente de ce qui se passe autour de mon image. Je gère tout de A à Z, ça nourrit ma démarche artistique et les gens le ressentent. Donc oui, j'ai gagné en expérience, mais ma personnalité, elle, n'a pas réellement changé.

« Blanche », « Rouge », « Noir » : qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de baptiser ainsi vos morceaux et EPs ?

Ça me permet de canaliser mon énergie, de ne pas m'éparpiller musicalement. Rouge correspond à un aspect de ma personnalité, sensuel, un peu chill. Alors que Noir présente un côté sombre, plus introspectif, sans filtre. Ça me tenait à cœur de séparer ces deux facettes plutôt que de les réunir dans un projet un peu fourre-tout que je ne pourrais pas assumer et défendre. Et puis ça me permet d'avancer clairement, de savoir quel côté j'ai envie d'explorer davantage pour l'album.

Veste et pantalon, Kimhekim.

Votre dernier EP, Noir, est très intime. Ce n'est pas trop difficile de se livrer autant derrière un micro ?

Le fait d'avoir arrêté la musique pendant quelques années m'a permis de me rendre compte que la scène française s'était un peu perdue dans une notion de divertissement. Les artistes recherchent le pogo et l'amusement, sans prêter attention aux paroles. Moi, à l'inverse, j'arrive avec de vrais textes et une histoire à raconter. C'est comme ça que « Corps » est né. Je voulais qu'il choque, qu'il dise des choses très intimes sur moi. Et apparemment ça touche les gens. Ce qui me conforte dans l'idée qu'ils en ont marre des textes vides de sens. Ils veulent entendre des artistes qui ne recherchent pas que le buzz, qui ont des choses à dire. À nous de ne pas avoir peur.

À vous écouter, on a l'impression que vous souhaitez lancer une mouvance. Ça ne vous fait pas peur de servir de modèle ? C'est un poids qui peut être lourd à porter...

Le fait est que je ne pense pas pouvoir en devenir un. J'ai trop de défauts, trop de failles : toutes ces imperfections font que je ne me sentirais pas légitime.

Quand vous étiez adolescente, y avait-il des femmes qui vous ont servi de référence et vous ont encouragée à vous assumer, physiquement ou musicalement ?

Pas vraiment... Actuellement par contre, une artiste comme FKA Twigs m'impressionne, j'admire la façon dont elle construit son art et impose sa présence. Je ne trouve même pas les mots pour parler d'elle.

Beaucoup de médias vous comparent à Lizzo. Vous sentez-vous proche d'elle ou voyez-vous ce rapprochement comme un raccourci un peu facile ?

La deuxième option, clairement. Sous prétexte qu'on est toutes les deux grosses, noires et qu'on porte une coupe afro, on nous compare. C'est plus rabaissant qu'autre chose. Pourquoi ne me compare-t-on pas à une fille comme Louane, par exemple ? Ou même à Ed Sheeran ? Ça pourrait très bien être le cas finalement !

Le fait que vous vous affichiez, comme Lizzo, nues sur votre pochette d'album dit en revanche quelque chose de fort...

Ça dit surtout que je n'ai plus envie de me mentir ou de mentir aux gens. Ce genre de posture, c'est une sorte d'introspection, ça m'aide à m'assumer. Ce n'est pas dans l'idée de revendiquer quoi que ce soit, bien au contraire. Je le fais parce que ça m'aide à avancer. C'est un peu comme si, plutôt que d'aller chez un psy, je me mettais à nu pour comprendre qui je suis réellement.

« Je ne laisserai plus personne me rabaisser. »

Bijoux, Area. Manteau et bijoux, Area.

Ça veut dire que vous n'avez pas toujours été aussi sûre de vous, « noire et fière de l'être » comme vous chantez sur « Noir » ?

C'est compliqué d'avoir confiance en soi en France, dans un pays où cette attitude est vue de façon péjorative. On a tendance à prendre ça pour de la prétention ou de l'arrogance, et on choisit de rabaisser les personnes qui ont une telle attitude. Or, on peut totalement être humble tout en ayant confiance en soi. J'ai mis longtemps à le comprendre, mais je ne laisserai plus personne me rabaisser, me dire que je n'ai pas de talent ou que je ne suis pas humble.

En parallèle de la musique, vous nourrissez également un fort intérêt pour le monde de la mode, au sein duquel l'inclusivité s'est imposée comme un sujet incontournable. Avez-vous l'impression qu'il est aujourd'hui plus facile de trouver de la mode grande taille ?

Oui, ça a beaucoup changé. Aujourd'hui, on peut tous très bien s'habiller, il y a des magasins spécialisés pour tout le monde. On n'a plus d'excuses. Moi-même, je fais une taille 54, et j'ai l'impression que les labels big size proposent des vêtements beaucoup plus originaux et stylés que les autres marques.

Selon vous, la mode n'est plus discriminante ?

Je pense surtout que la communauté grande taille, si je peux l'appeler ainsi, ne doit pas rester dans la frustration ou devenir aigrie. Ça ne sert à rien de s'énerver contre les personnesminces ou maigres comme les mannequins. Moi-même, j'ai pu critiquer ces personnes par le passé, parce que j'étais jeune, idiote et inconsciente. Aujourd'hui, je comprends que c'est leur métier et que ça ne sert à rien de blâmer les gens qui excellent dans un domaine. Il faut bien reconnaître que, oui, une robe va mieux tomber sur une taille 34 ou 36 que sur un corps comme le mien, avec ses triples bourrelets. C'est une réalité, ça ne sert à rien d'être hypocrite.

Comment réagissez-vous quand certaines personnes affirment que Nicki Minaj ou Cardi B rabaissent l'image de la femme avec leurs clips ouvertement sexués ? Une critique qui a aussi été adressée à l'artiste Shay en France...

J'ai toujours du mal avec les gens qui n'oseraient même pas faire le quart de ce que font ces femmes. Bon, j'ai également du mal avec les gens qui critiquent les artistes alors que la plupart ne savent même pas chanter. C'est trop simple... J'ai surtout l'impression qu'on est dans une époque méchante. C'est d'autant plus fou qu'on a besoin de ces artistes. Shay, par exemple : quelle autre artiste, en France, a participé à une campagne Burberry, fait des couvertures de dingue et prôné un discours comme le sien ? Moi, je lui dis merci ! Elle montre le chemin à prendre, et je compte bien le suivre.

Robe chemise, Fyodor Golan. Chaussures, Abra.

Vous semblez assez proche de Lous & The Yakuza, Chilla ou Angèle. Pensez-vous que l'on peut parler de vous toutes comme d'une scène ?

Oui, parce qu'on est toutes des artistes féminines indépendantes. Angèle, c'est quand même incroyable : elle produit tout ce qu'elle fait, elle est en indé, elle a beaucoup de caractère, elle contrôle tout et elle vend plus de 500 000 albums. Lous, elle, veut tout bouleverser. Elle l'affiche clairement, et elle avance avec une grosse équipe derrière elle. C'est ça qui nous rassemble, je pense : on a toutes des caractères très affirmés, on avance sans langue de bois et sans artifices. On est en quelque sorte des warriors, on n'a pas peur de ce que l'on incarne.

Tout semble aller très vite pour vous en ce moment. Pensez-vous que tout ce qui se passe actuellement (les tournées, la promo, le buzz) aura un impact sur vos morceaux à venir ?

Oui et non. Si je continue à produire comme je le fais et à être aussi organisée, il n'y pas de raison. Rien ne devrait m'empêcher de créer et de me rapprocher encore un peu plus du format chanson, comme c'est le cas sur Noir. J'ai compris qu'être artiste, c'est gérer toutes les étapes créatives, ce qui devrait me permettre d'avancer comme je l'entends. Croyez-moi, je ne retournerai pour rien au monde en major.

Où vous voyez-vous dans dix ans dans ce cas ?

Soit pauvre et endettée, ce qui ne serait pas surprenant étant donné l'étrangeté du milieu dans lequel on évolue. Soit extrêmement riche, grâce à tous les métiers que j'aurais créés en tant que productrice. En clair, il n'y a pas de juste milieu, je ne me vois que dans les extrêmes !

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