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Tibi : la marque qui s'est rebellée face à la fast fashion

Style | le mardi 14 juillet 2020
Deux mannequins Tibi en robes pailletées
Auteure d'une mode instinctive et efficace, Amy Smilovic, fondatrice de la marque Tibi, milite contre la fast fashion et les vêtements jetables. Engagée en faveur du développement durable, elle a resserré son offre pour rejoindre le courant du « produire moins, mais mieux ». Printemps.com s'est entretenu avec cette créatrice qui imagine des vêtements féminins et masculins, mais aussi de plus en plus de pièces non genrées, dessinant les contours d'une mode aussi bien « ageless » que porteuse de sens et de valeurs.

Printemps.com : Racontez-nous, comment est née Tibi en 1997 ?

Amy Smilovic : J'ai créé Tibi quand je vivais à Hong Kong, à l'époque c'était simplement une mini collection capsule. J'allais souvent en Indonésie et j'ai créé mes premiers tissus sur l'île de Java, dans une ville appelée Solo, c'est comme ça que j'ai débuté - avec une toute petite structure. J'ai commencé à vendre mes pièces localement, puis elles ont été distribuées dans différents magasins à travers le monde. À l'époque, il n'y avait pas les réseaux sociaux, les gens découvraient Tibi par le bouche-à-oreille. La marque a donc grandi de manière très organique. Aujourd'hui tout a changé, mais c'est drôle de voir que je retourne à mes racines, en diminuant la voilure, en étant de plus en plus concentrée sur l'essentiel.

Comment avez-vous vu la mode évoluer ces vingt dernières années ?

Je déteste dire ça, mais le secteur n'a pas avancé dans le bon sens. La mode est devenue une expérience jetable. Ce n'est pas comme dans les années 1960 ou 1970, où il y avait une vraie liberté dans la manière de se vêtir. J'ai commencé à l'ère du minimalisme avec Helmut Lang, Martin Margiela et Donna Karan. Aujourd'hui, les gens consomment de la fast fashion puis la jettent lorsqu'ils ont terminé l'expérience. Les vêtements doivent être mieux fabriqués et surtout plus réfléchis.

Il y a quelques années, vous avez décidé de changer radicalement votre façon de faire de la mode. Pourriez-vous nous raconter cette transformation ?

Cela s'est produit il y a près de 10 ans maintenant, j'étais tellement fatiguée de tout ça... Je ressemblais à un chien tenu en laisse par tous ces commerciaux qui me disaient toujours « vous devriez faire plus de... », « le client veut ça »... Et je me sentais comme une serveuse dans un restaurant prenant des commandes. Un jour, je me suis réveillée et je me suis dit : « Je déteste tout de ma ligne ». Je me sentais très mal, ça me rongeait. En fait, je détestais ce que je faisais. C'était mon entreprise, mais j'aurais préféré la détruire plutôt que de continuer comme ça ! J'ai donc réagi en revenant à l'essentiel. À ce moment-là, la fast fashion était à son apogée, mais je pense qu'en parallèle les clients étaient vraiment en demande d'authenticité, il y avait un vrai désir de savoir qui était derrière la marque. Si vous ne faites pas de fast fashion, il faut avoir un point de vue, c'est impératif sinon vous ne pouvez pas survivre. Et je pense que c'est plus vrai que jamais.

Vous défendez des valeurs écologiques. En quoi Tibi est-elle une marque sustainable ?

Nous travaillons avec de nombreuses usines européennes qui sont très créatives dans leur façon de fabriquer des tissus durables ou recyclés. Beaucoup de choses ont été faites dans ce domaine. Je suis sûre que l'on doit beaucoup à Stella McCartney. C'est une chose de vouloir être durable, mais si vos tissus et vos produits ne sont pas luxueux, au bout du compte, cela ne décollera jamais vraiment. Stella a poussé les usines à changer leur manière de faire. Mais je pense que la façon la plus efficace et la plus sûre d'être durable est de fabriquer moins de produits. Nous devons produire moins, c'est impératif. Je travaille de plus en plus sur un modèle de pré-commandes pour rationaliser notre production.

« Si vous ne faites pas de fast fashion, il faut avoir un point de vue, c'est impératif sinon vous ne pouvez pas survivre. »

Pensez-vous que la sacralisation de la nouveauté dans la mode, telle que promue par la fast fashion, se soit faite au détriment du stylisme - soit l'art de mélanger les pièces des saisons passées, et d'imaginer de nouvelles associations ?

Je pense qu'il est très important de comprendre ce que vous aimez. Pour moi, le styling donne vraiment la possibilité de s'exprimer. Le style, c'est quand tu comprends qui tu es et quelles combinaisons et proportions te font sentir le mieux. L'autre jour, quelqu'un m'a demandé : "Y a-t-il des choses que je ne devrais pas porter si j'ai plus de 50 ans ?" C'est étonnant de voir combien de femmes sont désorientées à ce sujet et pensent qu'en vieillissant elles doivent changer leur style. Mais elles ne devraient pas ! On doit conserver notre identité et je pense que plus on est âgé, plus on a appris sur soi. Les vêtements devraient donc encore plus exprimer notre personnalité à mesure que l'on vieillit.

Êtes-vous engagée dans des missions sociales avec Tibi ?

Je m'attache à prendre soin de mon équipe. Et j'ai remarqué que ce qui la rendait la plus heureuse, c'était nos actions caritatives. Par exemple, un pourcentage de ventes sur nos chaussettes (nos « Airport socks ») est reversé à une institution américaine qui nourrit les sans-abris. Tibi est une petite entreprise, nous sommes indépendants, sans investisseur extérieur, et j'ai beaucoup de respect et de compassion pour les entreprises qui se débrouillent seules, avec leurs propres moyens. Lorsque nous pouvons les aider, nous le faisons.

Comment vous positionnez-vous sur le sujet de l'inclusivité dans la mode ?

Nous avions déjà de très grandes sizes mais depuis que nous avons lancé l'homme nous avons encore plus élargi notre gamme de tailles. Tout simplement parce nos blazers pour homme sont les mêmes que ceux pour femmes. Nous avons d'ailleurs remarqué que nos meilleures pièces sont celles qui fusionnent les genres, qui ne sont ni féminines ni masculines. D'une certaine manière, notre mode « gender neutral » attire les hommes qui s'habillent d'une manière peut-être un peu plus douce ou plus créative que d'autres, et plaît aussi aux femmes qui préfèrent le tailoring ou les lignes plus « clean ».

Qu'est-ce qui vous inspire aujourd'hui ?

Je m'intéresse beaucoup aux films américains des années 1930, au moment de la Grande Dépression. Ils parlaient beaucoup du style et de la beauté, mais ils s'en moquaient aussi. Je me sens en résonance avec cette époque en ce moment. J'ai envie que les choses soient belles. Je veux introduire la beauté dans une garde-robe très fonctionnelle qui puisse refléter le moment que nous vivons. D'un point de vue créatif, je ne souhaite pas me contenter du moyen, je veux créer des choses fortes. Le rythme a tellement ralenti que maintenant si je crée quelque chose de grand, je pense que nous aurons le temps de communiquer dessus. Et surtout, nous aurons le temps de l'apprécier. C'est très libérateur, à bien des égards.

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